Oui, mais pour quoi faire ?
La politique monétaire est l’action
par laquelle la Banque centrale agit sur l’offre de la monnaie dans
le but de remplir son objectif triple : stabilité des taux
d’intérêt, stabilité des prix (inflation), taux de change de la
monnaie à l’extérieur. Il s’agit donc d’un outil important
entre les mains des États pour réguler leur économie en fixant la
valeur de l’argent : lorsque la valeur de change augmente, il
est plus facile d’acheter des produits étrangers mais plus
difficile de vendre, et vice- versa. De même, un taux d’intérêt
(le « prix du crédit ») plus élevé décourage les
emprunts et les investissements, un taux d’intérêt bas les
encourage. Or, cet outil n’appartient pas à nos États.
– camarade Guide
Le franc CFA est depuis 1945 la monnaie
commune de la Zone franc comprenant les 15 pays de l’Union
économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA :
Bénin, Burkina, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger,
Sénégal, Togo) et de la Communauté économique et monétaire de
l’Afrique centrale (CEMAC : Cameroun, Centrafrique, Gabon,
Congo-Brazza, Tchad et Guinée-Équatoriale), en plus des Comores.
Près de 155 millions de personnes utilisent le franc CFA.
Au moment de sa création, « CFA »
signifiait « colonies françaises d’Afrique ». Par la
suite, il a été réinterprété en « communauté financière
africaine » en Afrique de l’Ouest « coopération
financière africaine » en Afrique centrale. Si chacune de ces
zones a sa propre banque centrale, étant donné que le franc CFA est
arrimé à l’euro, dont le taux de change et le taux d’intérêt
sont décidés par la Banque centrale européenne sise à Francfort
en Allemagne et mandatée par la Commission européenne (sur laquelle
les gouvernements même européens n’ont que peu de contrôle), et
que les billets de CFA sont imprimés en France, à des milliers de
kilomètres des banques centrales africaines, on est en droit de se
demander à quoi servent ces dernières ! De plus, les pays de la
zone CFA ont obligation de déposer 50 % de leurs réserves de
change au Trésor français – sans doute parce qu’« on »
estime que cet argent sera mieux surveillé en France qu’à Bouaké
ou à Man !
Mais qui a pris ces décisions ?
Et à qui profitent-elles ? Nos dirigeants africains
auraient-ils été contraints de signer ces accords infâmes au péril
de leur vie ou de leurs propriétés privées ? Ou bien
s’agirait-il d’une complicité pour maintenir une « alliance
éternelle » entre nos pays et l’Europe ? En effet, le
fait d’avoir un taux de change fixe entre l’euro et le CFA
favorise énormément les emprunts, échanges et investissements
entre l’Europe et l’Afrique, mais nuit à notre capacité
d’exportation et décourage les investissements locaux.
Doit-on sortir du franc CFA ? Nous
pensons que oui, mais il faut être clair sur le fait que cela
n’arrangera pas tous nos problèmes. Le fait d’avoir notre propre
monnaie, si elle est forte, découragera les exportations et
risquerait de ruiner nos producteurs ; si elle est faible, les
prix des produits importés augmenteront et la population risque de
mourir de faim, à moins que – et c’est là le nœud du problème
– des investissements massifs ne soient faits pour assurer une
production locale pour remplacer ces importations (vêtements,
appareils électroniques, riz, etc.).
D’ailleurs, les expériences de
monnaies nationales ailleurs en Afrique (Ghana, Guinée, Nigeria) ont
clairement montré leurs limites dans le cadre de ce système !
La sortie du franc CFA ne peut donc se faire sans un contrôle strict
de l’État sur l’économie nationale et la production et de
véritables investissements locaux. Cela pose directement la question
du contrôle de la population sur cet État !
Doit-on mettre en place une monnaie
africaine ou une monnaie par pays ? Cette question aussi est
difficile à trancher tant qu’on reste dans ce système où le
développement n’est pas décidé par les États mais par quelques
riches patrons qui sont libres d’investir ou non leurs capitaux
selon leur humeur. Si l’Afrique de l’Ouest devait adopter une
monnaie commune, qui nous dit que le Burkina et le Mali ne se
plaindraient pas bientôt de la main-mise ivoirienne sur leurs
économies ? La création d’une monnaie africaine ne peut se
faire qu’avec un mécanisme de juste répartition des
investissements et des richesses entre les différents pays, ce qui
nécessite un contrôle des populations sur les institutions
monétaires et étatiques.
De plus, il est impossible d’envisager
une sortie du CFA, même en restant dans le système actuel, tant que
nous aurons à la tête de nos États des dirigeants asservis et
dévoués au système capitaliste mondial qui soumet la majorité des
peuples du monde à une poignée de très riches individus.
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