mardi 6 mars 2018

CI : Mort du petit Bouba

Un assassin qui fait pitié !


La mort du petit Bouba a à juste titre déchainé les passions. On ne peut évidemment rester insensible face à une telle injustice, une telle abomination.
Nous voulons cependant relever que pour nous, l'assassin, qui a commis la faute et qui doit évidemment être puni pour cela, est lui aussi une victime. Ce pauvre bijoutier fait franchement pitié quand on le regarde. Notre société est en effet tombée bien bas, pour que des gens soient si désespérés qu'ils sont prêts à tuer les enfants des gens dans l'espoir de devenir riches. Aujourd'hui, comme après chaque tuerie dans un lycée aux États-Unis ou chaque acte terroriste dans le métro à Bingué, l'heure est au « plus jamais ça ». Pourtant, si nous voulons que de tels crimes cessent de se reproduire, il nous faut véritablement nous interroger sur les raisons qui ont poussé Sagno Étienne à commettre son geste. Sinon, ça recommencera fatalement, c'est évident. Ça a déjà recommencé, d'ailleurs, puisque deux jours après la marche pour Bouba, on annonce le meurtre de l'élève Glahou Edmond Chanceline à M'Bahiakro, retrouvée égorgée dans l'enceinte de la prison civile !
Car nos politiciens ont beau se mêler de faire des discours et de participer à la marche de solidarité à Angré, c'est bien leur politique qui est responsable de la mort de Bouba et de centaines d'autres enfants dans notre pays chaque année, assassinés pour crimes rituels ou abandonnés dès la naissance par leurs parents. Que Sagno ait agi pour son propre compte ou pour le compte d'un riche politicien resté dans l'ombre, il est clair qu'il a été mu par sa pauvreté, par son désespoir, par son aliénation, par son ignorance. Bijoutier, artisan, tu as saigné pour te former, ouvrir ton petit commerce, payer ton loyer, tes outils et tes matières premières, mais ça ne marche pas. Tu as quitté ton pays en te disant qu'arrivé à Babi, tu gagnerais ta vie. Mais il n'y a pas client oh ! Il n'y a pas client, parce que la vie est chère, parce que les fonctionnaires n'ont pas reçu leur salaire, parce que nos concitoyens se font racketter chaque jour par les policiers, par les gnambros, par les Coges, par la CIE et les péages. Peut-être espérais-tu toi aussi trouver un jour un emploi digne dans une entreprise, mais tout le monde sait qu'il n'y a pas travail dans le pays, donc tu as lancé ton commerce, en te disant qu'un peu – un peu, ça va aller. Sauf que ça ne va pas.
Nous vivons dans une culture du sacrifice. Une culture où on accepte que rien ne va dans ce pays, une culture où on ne cherche pas à comprendre pourquoi certains sont riches tandis que d'autres sont pauvres. On pense que l'argent tombe du ciel, et on prie pour avoir l'argent, comme d'autres prient pour avoir un travail, un mari ou un enfant. Sauf que l'argent n'a pas été créé par Dieu, mais par l'homme ! L'argent circule en raison de lois économiques qui sont le résultat de l'activité humaine. Des lois que les masses ignorent parce qu'elle sont inéduquées et que les soi-disant spécialistes de l'économie et de la politique font tout pour leur embrouiller leur cerveau.
Alors on se rend chez n'importe quel féticheur, qu'il soit animiste, chrétien ou musulman, qu'il porte le nom de marabout, pasteur ou imam, autant de charlatans qui t'annoncent que le sacrifice est bon. On n'a rien sans rien, n'est-ce pas ? Comme si le fait de se priver de nourriture pendant trois jours allait te faire gagner un travail ! Tu penses vraiment que le patron regarde ce qu'il y a dans ton ventre pour savoir s'il va te donner un boulot ? Comme si le fait de lâcher un billet mauve à l'église allait te permettre de rencontrer l'homme ou la femme de tes rêves ! Quand toi-même tu as l'esprit vide. Mais quand on accepte que le sacrifice d'un repas, d'un billet, d'un verre d'alcool ou d'un poulet peut nous apporter, il n'y a finalement plus qu'un pas à faire avant de passer au sacrifice ultime, celui de l'homme ! La reine Pokou n'a-t-elle pas elle aussi tué son propre enfant pour franchir le fleuve Comoé ?
Curieusement, tous ces apprentis sorciers qui conseillent de tuer son prochain ne sont jamais inquiétés. Ces marabouts qui peuvent faire pleuvoir les millions sur leurs adeptes vivent eux-mêmes dans des baraques dans des quartiers précaires. Alors, qui a commis le crime ? Le pauvre être désespéré, ou son conseiller ?
Mes frères, mes sœurs, réveillons-nous ! C'est la lutte seule qui nous permettra de garantir pour tous un mieux-être et un juste repartage des richesses qui nous sont volées chaque jour !
« Plus jamais ça ! », cela veut dire un travail digne pour tous, des formations et des crédits financés par l'État pour les artisans et les petits commerçants, un système d'enseignement de qualité pour nous faire sortir des superstitions, une mise au pas de tous ces soi-disant chefs religieux, féticheurs, magiciens et autres prophètes autoproclamés, et toutes autres mesures sociales pour faire sortir le peuple de la misère. Pour ne plus que quiconque ait jamais une raison de porter la main à son voisin dans l'espoir d'en tirer un avantage personnel tandis que la masse souffre et continuera à souffrir si nous ne nous organisons pas dans un même mouvement large pour dire non à cette politique capitaliste qui affame le peuple, le pousse au désespoir et l'encourage aux crimes les plus sordides.
Yako à la famille de l'enfant tué.
Yako à la famille du tueur.
Yako à tous les Ivoiriens et Africains qui sont les victimes psychologiques des féticheurs et autres charlatans mystiques et religieux, vendeurs d'illusions nocives, poussés vers eux par nos politiciens escrocs et voleurs et par le système capitaliste qui nous détruit au quotidien.

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