mardi 16 janvier 2018

CI : Le travail en zone industrielle

L'aventure cauchemardesque


Des conditions de recrutement à celles de travail, un emploi dans les zones industrielles rapproche les travailleurs d'une situation de quasi-esclavage.

– Camarade Zova


Le mode de recrutement est le même dans toutes les unités industrielles de Yopougon à Koumassi en passant par Vridi. Au petit matin à la première heure, des personnes de tous âges, diplômées ou non, se rendent devant les portails des usines dans l’espoir de décrocher un emploi. Au fur et à mesure que le vigile fait l’appel, comme à l’école, les travailleurs entrent dans l’enceinte. Tout le monde se croise les doigts. Après que le vigile a fini de citer les noms des « heureux » élus du jour, il referme le portail sans même jeter un regard de compassion à tous ceux qui viennent d’être recalés.

Si les journaliers abondent, c’est parce que les maisons de recrutement et autres « agents » proposent leurs prestations. Ce sont de véritables seigneurs, dont le travail (bien rémunéré) est de trouver une main d’œuvre abondante et à moindre cout, pour permettre aux patrons des entreprises de se frotter les mains.  Ici, la compétence est foulée aux pieds, la seule condition, c’est l’argent. Même les agents de sécurité, dont le rôle devrait être de contrôler les entrées et sorties, s’adonnent à ce « business ». 

À côté de cette catégorie de travailleurs, on peut citer les « protégés », recommandés par des anciens cadres de l’entreprise, un parent ou autre personne influente. Nous pouvons citer également ceux qui paient directement pour un emploi de fortune, de 30 à 50 mille francs selon la taille de l’entreprise et l’importance de la paie proposée.

Au-delà de toutes ces propositions, il y a celle, plus dégradante, du droit de cuissage, qui vise les jeunes filles en quête d’emploi qui n’ont pas les moyens de payer aux recruteurs  et, n’ayant pas le choix, se laissent aller au jeu. Car en devenant la petite amie du « chef », elle peut espérer être embauchée un jour ; sauf évidemment si le patron, une fois le désir sexuel assouvi, se détache pour aller voir ailleurs.

Si telles sont les conditions d’accès à l’emploi dans nos zones industrielles, que dire du salaire ? Il demeure le plus souvent bas, loin du nouveau SMIG de 60.000 francs décidé par l’État ivoirien pourtant entré en vigueur en janvier 2014. « Tu n’es pas satisfait de ton salaire ? Va te pendre ! Je prends à ta place un autre que je vais payer encore moins que toi ! » Aussi, faut-il parler de tous ces « travailleurs ambigus » vu qu’ils ne sont liés par aucun contrat de travail, jamais de bulletin de salaire et faiblement rémunérés. Du coup, ils sont réduits au silence et ne peuvent juridiquement rien réclamer à leurs patrons.



Le syndicalisme de collaboration et la bureaucratie ouvrière sont les deux principaux ennemis des travailleurs

Même si certains responsables de syndicats sont conscients de cette injustice, ils ne font rien, sinon de simples déclarations verbales. Le syndicalisme de collaboration et la bureaucratie ouvrière sont en réalité les deux principaux ennemis des travailleurs ! Si la souffrance et les cris de détresse des travailleurs sont restés jusque là sans suite c’est bien en partie dû à la direction de leurs organisations. 

Plutôt que de lutter pour l’intérêt des travailleurs dont ils se réclament les porte-voix, les délégués syndicaux (dans les usines où ils sont autorisés) se limitent à un rôle de simples collaborateurs des chefs  d’entreprises. Ils sont généralement privilégiés par ces derniers qui leurs reversent des subsides mensuels (sans parler des cotisations obligatoires imposées aux travailleurs) et leur offrent la possibilité d’engager des parents et amis. 

Quelquefois, ils écoutent attentivement les revendications de leurs camarades et, au lieu de penser à un plan commun pour obtenir satisfaction, ils s’enferment dans les bureaux avec les patrons pour les étouffer. Leur rôle est de domestiquer les travailleurs au profit des patrons. 

Les travailleurs doivent se faire respecter en mettant en place des associations ouvrières qui leur appartiennent à eux-mêmes et capables d’organiser le combat au niveau des zones industrielles et dans les quartiers où vivent les travailleurs, avec des actions de grève, de marche, d’occupation et de solidarité pour éviter les manœuvres de division. Les travailleurs doivent comprendre que c’est à eux seuls que revient ce combat, en tant que producteurs des richesses qui sont dévorées et gaspillées par les patrons.

Aucune compromission avec les patrons qui nous volent chaque jour. Le travailleur doit se rendre maitre de l’outil avec lequel il travaille. Ce n’est qu’à ce prix que le respect pourra être imposé, et qu’on pourra assurer un mieux-être pour tout le monde.


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