mardi 26 juillet 2016

CI : Contestation du prix de l'électricité

Quand la goutte d'eau fait déborder le vase !


La révolte en cours contre la tarification abusive de l'électricité, et qui a, semble-t-il, pris de cours le gouvernement, était annoncée depuis longtemps. Cela fait longtemps que les problèmes sociaux s'accumulent en Côte d'Ivoire : bas salaires, pénurie de vivriers, hausse des frais d'inscription à l'université et arnaque organisée par les Coges, délabrement des hôpitaux, affaire du renouvèlement du permis de conduire, déguerpissements en désordre, présence des microbes, insalubrité, péages, enlèvements d'enfant, corruption généralisée, etc., etc.

En ce sens, la hausse du prix de l'électricité n'a finalement été que la goutte d'eau qui a fait déborder le vase pour beaucoup d'Ivoiriens, partout dans le pays, et sans regarder à l'affiliation ethnique ou politique.

– camarades Konan et Gbalégnali


Qui sème la misère récolte la colère !

Cette révolte marque une véritable rupture. La période de la peur, du fatalisme, de la grogne passive, de l'étouffement, de la division ethnique semble derrière nous. Les Ivoiriens sont de nouveau prêts à prendre le chemin de la lutte.

Le gouvernement pensait être à l'aise. L'opposition politique qui n'a pas été détruite, tuée, exilée ou enfermée a été divisée, corrompue et apprivoisée. Les syndicats et soi-disant « mouvements citoyens » se répartissent eux aussi en d'innombrables chapelles entre qui règnent souvent la méfiance et la mésentente, sans parler du mépris de la base et de l'inaction de la part des directions syndicales. Les journalistes sont mis sous pression et menacés lorsqu'ils se montrent trop incisifs. 

Bref, le régime RHDP s'est coupé artificiellement de toute critique et, soulé par sa propre propagande selon laquelle « Tout va bien, le pays se développe » (qui d'ailleurs ne convainc personne d'autre qu'eux-mêmes et leurs amis étrangers qu'ils emmènent à Assinie le weekend), a été pris de court. Eux qui nous prenaient pour des moutons, ne comprennent en réalité même pas d'où a pu se développer un tel mouvement. Ce qui explique les propos tenus par des cadres de la coalition au pouvoir, dont Adama Bictogo, qui accusent Affi N'Guessan ou de mystérieuses « forces obscures » de se trouver derrière ce mouvement de révolte populaire. L'idée que cette révolte est une révolte systématique, un regroupement autonome directement issu de la population elle-même, ne leur vient même pas à l'esprit.

Il est vrai qu'une grogne s'était développée en sourdine avant le Premier Mai. Plusieurs centrales syndicales avaient déposé un préavis de grève, et même le journal Gbich ! avait fait sa une de l'actualité sociale brulante. Un vent de protestation s'était élevé suite aux moqueries de Bruno Koné, qui préférait décrire les nombreuses critiques sur Facebook comme étant du fait d'« une minorité qui pense que tout va mal […] On a l'impression que tout le monde est révolté contre une mesure. Mais en réalité, ils ne sont que 100 ou 200. ». 

À tel point que le gouvernement, représenté par le président de la République (qui, comme à son habitude, s'est excusé de tout ce foutoir en expliquant qu'en fait, il n'était au courant de rien), avait finalement cru bon de reculer d'un pas en annonçant « des mesures » contre la cherté de la vie, et particulièrement l'annulation de la hausse du cout de l'électricité et le remboursement des trop-perçus, avec en plus une promesse de briser le monopole de la CIE en instaurant bientôt la libéralisation du marché de l'électricité, censé faire baisser les couts (par magie ?).

Pourtant, deux mois après, voilà que de nouvelles factures tombent. La facture différée de mars-avril (due pour le 14 juillet) est arrivée à peu près au même moment que celle de mai-juin (due pour le 11 aout). Pour de nombreux habitants, cela revient à devoir payer deux factures en même temps : chose impossible, d'autant plus que le tarif est loin d'avoir baissé ! Et voilà que la petite minorité de Bruno Koné se met à bruler les bâtiments publics dans toutes les grandes villes du pays : Yamoussoukro, Korhogo, Daloa, Bouaké, Tiassalé… et qui après ?

En guise de réponse à ces véritables émeutes accompagnées de pillages, d'incendies, d'arrestations et de morts, tout ce que le régime trouve à nous dire est que « La CIE, en concertation avec l'Agence nationale de régulation du secteur de l'électricité et les associations de consommateurs (totalement fictives, il faut le dire), a décidé de reporter la date limite de paiement pour la facture de mai-juin au 12 septembre ». Résultat : un petit aménagement pour nous permettre de continuer à payer cette facture exorbitante !


Pourquoi l'électricité est-elle devenue si chère tout à coup ?

Tout cela suscite tout de même la question de pourquoi l'électricité est-elle devenue si chère.

Nombreux sont ceux qui, parmi nos compatriotes, accusent le gouvernement de préférer vendre de l'électricité au Ghana et au Burkina plutôt que de répondre aux besoins nationaux. D'autres aussi se contentent de contester le fait que la CIE abuse de sa position de monopole sur ce marché et mettent en avant la libéralisation du marché qui, selon eux, devrait automatiquement faire baisser le prix de l'électricité.

Nous voudrions répondre à ces arguments avec quelques données chiffrées. En réalité, la production d'énergie de notre pays est largement supérieure à la consommation : 8100 Gwh sont produits pour 5500 Gwh consommés ; la quantité vendue à l'étranger ne représente que 500 Gwh, soit 6 % du total d'électricité produite. Le problème est que 20 % de l'électricité produite en Côte d'Ivoire est perdue, par suite de détournements et de défaillances du réseau (rappelons que, quand bien même la vente d'électricité est du ressort de la CIE, entreprise privée, l'État reste seul propriétaire de l'ensemble des infrastructures de transport). Ces 20 % de perte, ça veut dire qu'en fait, les citoyens paient 10 Gwh pour en recevoir 8 ! La vente à l'étranger, on le voit, n'est en réalité pas du tout un problème.

Pour ce qui est du monopole de la CIE, il est évident que cela constitue un véritable problème. Mais cela fait plus de 20 ans que la CIE détient ce monopole : cela n'explique donc pas pourquoi la facture a tellement augmenté ces derniers temps ! La raison fondamentale pour laquelle le prix de l'électricité a pris l'ascenseur, est que ce prix est subventionné et que c'est récemment que l'État ivoirien, poussé par le FMI et la Banque mondiale, cherche à réduire ces subsides à l'entreprise privée, qui lui coutent des milliards chaque année. C'est la raison pour laquelle la CIE, ne recevant plus de subsides de la part de l'État, se cherche une nouvelle rentabilité au détriment des consommateurs que nous sommes.

Nous devons d'ailleurs insister sur le fait que pour nous, la libéralisation de l'électricité ne constitue aucunement une solution. Bien au contraire, il s'agit d'une vue de l'esprit, d'une application déraisonnée de dogmes de théorie économique ne tenant aucun compte des réalités techniques. Partout où le marché de l'électricité a été libéralisé, que ce soit en Europe ou en Afrique, on a vu les prix encore augmenter et la qualité de l'approvisionnement se dégrader. Il suffit de jeter un œil à la situation au Nigeria, où un jour de courant par semaine est facturé 50 000 francs par mois. La seule solution durable est la renationalisation de la CIE, soumise au contrôle et à la gestion de la population, des travailleurs et des consommateurs. 

Enfin, il est évident aussi que notre pays dispose de nombreuses ressources qui devraient logiquement nous permettre de produire notre électricité à bas cout et sans dépendre d'importations extérieures. Il suffit de songer à ce soleil ardent qui illumine notre pays chaque jour. Avec un panneau solaire sur le toit de chaque maison du pays, fini les coupures et les factures chères ! Mais là aussi, c'est la politique menée par le gouvernement Ouattara qui empêche l'accès des panneaux solaires sur notre territoire.

À chaque toit son panneau !

La lutte doit continuer de manière organisée

On le voit, le régime est paralysé et complètement désorienté. Il n'est d'ailleurs pas seulement confronté à la révolte de l'électricité, mais aussi à un mouvement de lutte sur le campus contre le déguerpissement des étudiants au profit des athlètes des Jeux de la Francophonie (une compétition devant servir au seul prestige du régime et pour laquelle le gouvernement parait déterminé à ne pas investir le moindre franc tout en empochant les larges subsides), au phénomène des microbes, aux menaces djihadistes, etc. alors qu'il a prévu un référendum sur la constitution et qu'il prépare les élections législatives. 

Son premier réflexe (on dirait que c'est tout ce qu'il connait) est de faire descendre l'armée dans les rues d'Abidjan, d'interdire toute manifestation et de bannir une nouvelle fois les syndicats étudiants. À tel point que même de pauvres militants FPI qui cherchent à faire signer une inoffensive pétition pour libérer Gbagbo (apparemment leur dernier recours) se sont vus brutalisés et arrêtés au terminus 47 de Yopougon. Cependant, comme les émeutes de la semaine passée l'ont montré, on peut arrêter des individus, mais on ne peut empêcher une colère populaire d'éclater. 

Cette colère représente en fait un énorme ras-le-bol, et pas seulement contre la CIE. Pour preuve, à Bouaké, la maison du maire, la sous-préfecture et d'autres bâtiments de l'administration ont été attaqués et pillés. La population entend bien par là exprimer son dégout, sa révulsion, son mépris, face à l'ensemble de la classe dirigeante ivoirienne. 

Si l'explosion a pris la forme d'émeutes spontanées et décentralisées et s'est accompagnée de pillages et de violences condamnables bien que fort compréhensibles (« On se rembourse comme on peut ! »), c'est essentiellement parce qu'elle n'a pas été canalisée, aucune force politique ou syndicale ne s'étant présentée pour jouer le rôle fédérateur capable de donner une orientation à ce mouvement.

Les vrais responsables de ces pillages sont pour nous les dirigeants syndicats qui ont acclamé Ouattara le 1er Mai après avoir empoché une bagatelle de 800 millions versés à leurs organisations par l'État, et qui se sont murés dans un silence coupable, pensant à tort que leur inaction s'étendrait à leur base et au reste de la population. Si les dirigeants des syndicats avaient joué leur rôle, on aurait pu voir un véritable mouvement de protestation contre la vie chère, sous la forme de marches et de grèves disciplinées et organisées à l'échelle nationale. Mais ça n'a pas été le cas. 

Avec l'éclatement de cette lutte, un barrage semble avoir cédé. La lutte doit continuer non seulement contre la hausse du tarif de l'électricité mais contre la vie chère en général. Le régime a reculé, mais n'a rien cédé, puisque la facture reste à payer. Cependant, on ne pourra rien obtenir par des émeutes et des casses. C'est aux dirigeants des syndicats à prendre leurs responsabilités en appelant à la formation d'un front commun contre la vie chère avec l'ensemble des syndicats des travailleurs et des étudiants, en plus des nombreuses associations de quartier partout dans le pays qui sont jusqu'ici les véritables meneurs de ce mouvement éclaté. 

Il est urgent de recadrer la lutte contre la vie chère en appelant non pas à des émeutes qui sont prétexte à toutes sortes d'exactions, mais à une journée de grève générale dans tout le pays, accompagnée d'opérations « villes mortes » dans les grandes villes du pays et de marches des travailleurs et des citoyens contre la vie chère. En même temps, les quartiers doivent mettre en place des comités de vigilance (dont les membres doivent être nommés démocratiquement) pour veiller à éviter le vandalisme en marge des manifestations et s'assurer que leurs habitants ne soient pas débranchés du réseau électrique par les agents de la CIE.

Si nos voisins ghanéens sont capables d'organiser de vraies actions
coordonnées et encadrées contre la cherté de l'électricité, pourquoi pas nous ?

La conséquence de la politique néolibérale du régime RHDP

Il faudra cependant aller plus loin et comprendre d'où vient la cherté de la vie et les nombreux maux qui affligent la société ivoirienne. Que tous ces problèmes ne sont finalement que la conséquence de la politique capitaliste néolibérale mise en place par le régime RHDP – une politique qui a aujourd'hui démontré son échec face aux réalités vécues par la population. Mettons fin tous ensemble à l'arrogance de ce régime et à sa politique antisociale.

  • Pour une rénovation en profondeur des infrastructures électriques par l'État !
  • À chaque toit son panneau solaire !
  • Maintien des subsides étatiques, baisse des prix !
  • Non à la libéralisation, oui à la renationalisation de la CIE, sans rachat ni indemnités, sous le contrôle des travailleurs et de la population !
  • Nationalisation des secteurs stratégiques de l'économie pour utiliser nos ressources nationales au bénéfice de notre pays et investir massivement dans les services publics, dans l'industrie et dans l'agriculture pour mettre un terme à la précarité, au chômage et à la misère !



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