mardi 16 juin 2015

Nigeria : « Pas de courant, pas de paiement ! »

La lutte contre les factures exorbitantes et les délestages prend son envol


Le Nigeria connait une situation de crise de l'électricité, avec des coupures qui durent depuis des semaines. Pourtant, les compagnies d'électricité qui ont récupéré le marché ne se gênent pas pour envoyer des factures extrêmement salées aux habitants qui ne comprennent pas pourquoi ils paient pour dormir dans le noir et dans chaleur. La conséquence de la privatisation et du gaspillage. Ci-dessous, trois rapports du terrain à Lagos, qui devraient constituer une importante source d'inspiration pour de nombreux Ivoiriens aussi.

– Mouvement socialiste démocratique (DSM), section du CIO au Nigeria



Rejoignez la campagne « Pas de courant, pas de paiement » dans votre quartier !
Pour une fourniture d'électricité stable !
La collectivité doit arracher le secteur de l'électricité des mains des profiteurs pour le placer sous un véritable contrôle démocratique.



  • Organisez et mobilisez pour les meetings et actions de protestation
  • Formez un comité d'action dans votre quartier
  • Résistez pacifiquement contre les tentatives de débranchement !


La génération d'électricité dans notre pays, le Nigeria, est actuellement de 1327 mégawatts pour une population totale de 170 millions, alors que l'Afrique du Sud qui ne compte que 50 millions d'habitants génère 44 000 mégawatts. On se demande bien pourquoi nos élites dirigeantes, avec tous les milliards obtenus par la vente du pétrole tout au long de ces années, ne sont toujours pas parvenues à nous assurer une production d'électricité adéquate. La réponse est (pour faire bref) le fait que la majorité de l'élite dirigeante n'a aucune confiance dans le fait que notre pays puisse se développer, et préfèrent donc le piller. C'est la raison pour laquelle notre pays reste désespérément dans le noir. Incapables de s'attaquer à ce problème, nos « dirigeants » ont tout d'abord changé le nom de la NEPA en PHCN puis, voyant que cela ne donnait rien, ont décidé de privatiser tout le secteur. Nous nous retrouvons donc à la merci des différentes Genco et Disco (compagnies génératrices, compagnies de distribution) comme IKEDC et EKEDC, dont la seule mission et la seule compétence semble être de distribuer l'obscurité ! Malgré cela, ces Discos ne sont pas du tout honteuses de nous facturer chaque mois cette obscurité qu'elles nous vendent !

Les factures aléatoires et arbitraires, allant de 7000 à 30 000 naïras (20 000 à 60 000 francs) sont distribuées dans un pays où le SMIG est officiellement d'à peine 50 000 francs, et où de nombreuses familles dépensent en moyenne entre 15 000 et 20 000 naïras (45-60 000 francs) pour faire tourner leur générateur. Sans compter les petits commerçants et artisans qui sont totalement dépendants de leur générateur pour maintenir leur activité.

Selon M. Abiodun Ajifowobaje, directeur exécutif de l'IKEDC, son entreprise a besoin de 1250 MW pour pouvoir fournir ses clients en électricité en permanence ; mais elle ne reçoit que 150 MW ! C'est la même situation auprès de l'EKEDC et des autres compagnies de distribution. La question reste donc posée, pourquoi nous faire payer pour 1250 MW si nous n'en recevons que 150 ? Quelle est la logique, entre le fait qu'on ne fournisse pas la quantité demandée, mais qu'on nous fasse malgré tout payer les frais maximums, sans compter la taxe de 750 naïras (2300 francs), alors que nous vivons dans le noir ? Il est clair qu'il s'agit d'un arrangement visant uniquement à garantir les énormes bénéfices de quelques profiteurs, au détriment des consommateurs. La privatisation n'est rien d'autre qu'un braquage permanent au vu et au su de tous.

Le Mouvement socialiste démocratique (DSM, section du CIO au Nigeria) appelle l'ensemble des travailleurs, des indépendants, des artisans, des commerçants, des organisations sociales, des associations de jeunes, des chauffeurs de taxi, d'okadas et de keke-marwas, des propriétaires et des locataires, à nous rejoindre dans cette lutte pour inverser cette vilaine tendance.

Il est clair que nous n'avons rien à attendre des politiciens et des cadres publics qui mènent leur politique antisociale tout en puisant dans les budgets du pays, entre autres pour couvrir leurs propres frais de carburant, générateurs et autres équipements. Non seulement ces gens gagnent plus que leurs confrères aux États-Unis ou en Europe, mais en plus, ils font payer leurs factures personnelles par la collectivité ! Cela explique qu'ils ne peuvent avoir la moindre idée de la façon dont nous vivons.

La fourniture de courant est si épileptique que de nombreux petits commerces sont ruinés, les habitants ne peuvent dormir confortablement après une dure journée de travail, ne peuvent même pas repasser leur chemise ni pomper de l'eau. Nous avons toujours dit que la privatisation de l'électricité, loin de constituer une solution, ne ferait qu'aggraver le problème. Les compagnies privées ne sont intéressées que par leurs bénéfices. Leur objectif n'est certainement pas de nous fournir une électricité stable, qui réponde à nos besoins et qui soit bon marché.

Malgré la vente aux privés pour le prix bradé d'à peine 400 milliards de naïras (1200 milliards de francs) pour un secteur qui en valait en réalité 5000 milliards (15 000 milliards de francs), les profiteurs privés n'ont pas apporté le moindre mégawatt supplémentaire dans notre réseau national. Pire, le gouvernement a décidé d'un plan de renflouement de ces compagnies, à hauteur de 216 milliards de naïras, dont 50 milliards ont déjà été versés. C'est sans mentionner que depuis les dix dernières années, le gouvernement a « investi » plus de 4000 milliards de naïras dans le secteur, mais que nous vivons toujours dans le noir !

La génération, le transport et la distribution d'électricité sont toutes des activités très intensives en capital, qui requièrent donc des investissements extrêmement importants, des cadres et des travailleurs en quantité et disposant des compétences adaptées afin d'assurer un service efficace et accessible, dans l'intérêt de la population. Les entreprises qui ont racheté la PHCN ne disposent d'aucun de ces éléments, et ne sont là que pour faire de l'argent. Il est possible que leur plan soit uniquement de faire de l'électricité un luxe accessible uniquement à quelques heureux élus. En tout cas, il est clair que ces compagnies sont incapables d'électrifier l'ensemble du pays. Cela explique l'échec monumental de la privatisation de l'électricité, et la grogne croissant en parallèle de la part des habitants qui sont de plus en plus nombreux à réclamer le retour de l'électricité au public. La situation ne fait en effet qu'empirer, tandis que les compagnies se contentent de facturer un service qu'elles n'ont pas rendu. 

Il ne faut cependant pas oublier la nullité de la performance de la PHCN quand elle était toujours publique. C'est pourquoi l'appel à un retour de l'électricité au public doit être lié à la revendication du contrôle démocratique des travailleurs, des consommateurs et des professionnels, afin d'assurer la transparence, la responsabilité et une gestion efficace de la compagnie.

Nous soutenons la campagne « Pas de courant, pas de paiement » qui a déjà été lancée dans plusieurs quartiers. Nous insistons cependant sur le fait que cette lutte doit être organisée de façon pacifique, tant dans ses méthodes que dans son exécution. Les travailleurs des compagnies d'électricité ne sont pas responsables de la situation, et ne doivent en aucun cas être victimes d'attaques. Notre ennemi est la classe dirigeante qui rançonne notre pays. Nous devons recourir à la conscientisation et à la mobilisation de masse afin d'obtenir satisfaction. Les habitants doivent se mobiliser collectivement afin d'empêcher les débranchements, jusqu'à ce toutes nos revendications aient été prises en compte. 

Nous appelons les cadres des compagnies d'électricité à ne pas provoquer les habitants en leur envoyant des factures exagérées ou en tentant d'y envoyer leur personnel débrancher les familles qui ont refusé de payer pour leur dose d'obscurité quotidienne. Nous appelons aussi le Syndicat national des employés de l'électricité à soutenir la lutte dans les différents quartiers contre la faiblesse de la fourniture en électricité et contre le paiement d'un service dont ils n'ont pas bénéficié. Ce Syndicat doit aussi exiger le retour du secteur de l'électricité entre les mains du public, sous le contrôle démocratique des travailleurs et des consommateurs. 

Notre pays dispose d'énormément de ressources naturelles, dont la bonne mise en valeur devrait servir à satisfaire aux besoins de toute la population. Le nouveau régime Buhari a promis le « changement », mais nous ne connaitrons pas de véritable changement tant que nous n'aurons pas balayé l'ensemble de ce système corrompu, pas seulement en dégageant quelques personnes plus corrompues que d'autres. Nous devons rejeter l'exploitation des consommateurs par ces profiteurs. Il faut porter la revendication de la renationalisation du secteur de l'électricité sous contrôle démocratique et la diffuser parmi la population afin qu'elle puisse la reprendre pour son propre combat. Seul le contrôle démocratique par les travailleurs et les consommateurs d'une électricité renationalisée, en plus de l'ouverture des livres de compte et du plafonnement des salaires et frais de fonctionnement indécents obtenus par les cadres des sociétés d'État, pourra nous garantir que nous ne reviendrons pas à l'ère de la corruption, du gaspillage et de l'inefficacité qui caractérisaient les défuntes NEPA et PHCN.

Organisez des meetings de rue et de quartier pour élargir et approfondir la mobilisation. Appelez-nous, écrivez-nous si vous avez des questions ou si vous voulez nous rejoindre.

Nous disons :


  • Pas de courant, pas de paiement !
  • Du courant 24h/24 à prix abordable !
  • Non au factures absurdes ! Annulation de toutes les dettes issues de ces factures !
  • Introduction de compteurs prépayés pour tous les consommateurs !
  • Annulation de la taxe fixe de 750 naïras !
  • Réparation instantanée des transformateurs et infrastructures défectueuses, sans aucun frais pour les habitants !
  • Hausse de salaire et amélioration des conditions de travail pour les travailleurs de l'électricité ! Non à l'engagement de travailleurs temporaires !
  • Pour un plan d'électrification d'urgence dans tout le pays, non au délestage, électricité pour tous !
  • Renationalisation de tout le secteur de l'électricité et investissement massif, sous contrôle démocratique des travailleurs et des consommateurs !


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Les habitants d'Ajegunle en meeting contre les coupures d'électricité et la hausse des factures


Ce mardi 26 mai, près de 200 habitants d'Ajegunle, un quartier populaire de Lagos, se sont rassemblés dans une école pour discuter du problème de la mauvaise qualité de la fourniture d'électricité et de l'exploitation des consommateurs par l'entreprise de distribution d'Eko (EKEDC) et ses habitudes de facturation scandaleuses.

Ce sont les camarades du Mouvement socialiste démocratique (DSM, section du CIO au Nigeria) qui ont pris l'initiative de la mobilisation pour ce meeting, aux côtés d'autres personnes du quartier. Les habitants ont répondu très favorablement à nos slogans : « Pas de courant, pas de paiement ! » et « Pas de paiement, pas de débranchement ! ». 

En guise de préparation à cette activité, un groupe d'une cinquantaine d'habitants et de militants, y compris les camarades du DSM, avaient parcouru les nombreuses rues et cours d'Ajegunle le samedi 30 mai pour inviter la population au meeting « Pas de courant, pas de paiement » du 2 juin et à la marche du 4 juin.

Le camarade Dagga Tolar, membre du BEN du DSM, a ouvert le débat en faisant l'état des lieux de la situation dramatique de l'électricité dans le quartier et dans le pays, surtout depuis la privatisation du secteur de l'électricité. Selon lui, les compagnies privées ne font que maximiser les bénéfices, au détriment des consommateurs, qui ne peuvent bénéficier d'un service adéquat et de qualité. En plus, ces entreprises privées ne disposent pas des ressources qui sont nécessaires pour améliorer le secteur, vu que cela requiert des investissements considérables. Cela explique pourquoi le gouvernement a été obligé de leur accorder un important plan de renflouement, un an à peine après que ces privés aient racheté la défunte Compagnie de l'électricité du Nigeria à un prix au rabais. Par conséquent, il a appelé à la renationalisation de l'électricité. Cependant, afin d'éviter la débâcle connue par les anciennes compagnies étatiques (NEPA puis PHCN), inefficaces et devenues de véritables gouffres pour le budget public, Dagga a insisté sur le fait que le secteur de l'électricité, une fois renationalisé, doit être placé sous le contrôle démocratique des travailleurs et des consommateurs. Pour lui, ce n'est que comme cela qu'on pourra garantir une fourniture stable en électricité, à prix accessible pour la population.

De nombreuses personnes ont pris la parole après Dagga, pour apporter leur propre contribution et confirmer ses arguments et sa position.

Lors de ce meeting, il a été décidé d'organiser une marche dans le quartier qui se rendra au bureau de l'EKEDC le jeudi 4 juin, soit deux jours plus tard. Le meeting a aussi convenu des slogans à adopter et du matériel nécessaire à l'action : bannière, tracts, pancartes, etc. La somme de 6090 naïra (17 875 francs CFA) a été récoltée au cours de la quête organisée lors de ce meeting, en vue de financer le mouvement. Un comité d'organisation a été mis sur pied afin de pouvoir toucher plus de gens dans le quartier et continuer à récolter de l'argent afin de nous aider à produire le matériel de mobilisation. 

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Marche de protestation contre les délestages et les factures exorbitantes à Ajegunle


Le 4 juin, les habitants du quartier Aiyetoro de la commune d'Ajegunle à Lagos, sous la bannière du Mouvement des habitants du quartier d'Ajegunle, ont organisé une marche vers le siège de l'EKEDP (Compagnie de distribution d'électricité d'Eko), situé place Zeek dans le quartier Apapa, pour protester contre le manque d'électricité et l'exploitation inique des consommateurs par la politique de facturation scandaleuse appliquée par cette entreprise. 

La marche est partie de l'école primaire rue d'Arumoh. Les manifestants portaient des pancartes avec divers slogans, et ont parcouru les quartiers Layinka, rue de Barra, Bale-Aiyetoro, Okoya, pour longer l'avenue Bale où ils se sont arrêtés devant une agence de l'EKEDP afin d'y faire entendre leur colère.

De là, les habitants se sont rendus au secrétariat du gouvernement communal, sont passés devant le commissariat, puis ont atteint le rond-point Boundary à partir duquel ils ont mis le cap sur le siège local de l'entreprise de distribution, dans le quartier Apapa, qui supervise aussi Aiyetoro.

La marche a rassemblé une centaine de personnes : des jeunes, des hommes et des femmes. Dagga Tolar, membre dirigeant du Mouvement socialiste démocratique, en était le principal orateur.

Cette marche a été organisée en raison de la colère ressentie par de nombreux habitants, qui doivent à présent payer des factures exorbitantes malgré l'instabilité de la fourniture d'électricité dans le quartier. Cette situation n'est guère différente de ce qui se passe ailleurs dans le pays. D'ailleurs, notre position a été confirmée par les aveux de M. Adeola, directeur du siège de l'EKEDP à Apapa, selon qui l'entreprise ne peut rien faire par rapport à cette situation, vu l'impuissance du gouvernement et des entreprises productrices à générer assez de mégawatts d'électricité.

Quelle est donc la raison de la hausse de la facture, qui a augmenté par trois fois depuis la privatisation ? Pourquoi faire payer aux consommateurs si cher pour un service dont ils n'ont pas profité ?

Cela a encouragé les manifestants à reprendre le slogan « Pas de courant, pas de paiement ! » et « Pas de paiement, pas de débranchement ! ». Plusieurs factures du mois dernier ont été renvoyées collectivement par le quartier à la compagnie, en signe de protestation et de refus de payer.

Même si ce mouvement a jusqu'ici été circonscrit au seul quartier Aiyetoro d'Ajegunle, il a déjà inspiré de nombreux habitants des quartiers alentours, qui nous ont appelé pour nous demander notre collaboration. Tout cela souligne la nécessité de répandre cette lutte dans tous les quartiers d'Ajegunle avant de toucher d'autres communes, afin d'avoir un impact.

Les membres du DSM ont joué un rôle très actif dans l'organisation de cette marche. Nous avons partagé plus de mille copies de notre tract « Pas de courant, pas de paiement », et avons vendu deux exemplaires de notre journal, Démocratie socialiste.

Dans le tract du DSM, il est expliqué que la campagne « Pas de courant, pas de paiement » doit être liée à la revendication d'un retour du secteur de l'électricité entre les mains de la collectivité, sous le contrôle démocratique des travailleurs et des consommateurs. Car ce n'est que comme cela que l'on pourra garantir que les énormes investissements réalisés par le gouvernement dans l'électricité puissent nous revenir sous la forme d'une fourniture en électricité stable et à prix accessible.



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