samedi 1 novembre 2014

Textes : L'État et la Révolution


La doctrine marxiste de l'État et les tâches du prolétariat dans la révolution (V. Lénine, 1917)


L'État et la Révolution (en russe : Gosoudarstvo i revolioutsiya) est un ouvrage rédigé par Lénine en 1917 lors de son retour en Russie, resté en partie inachevé vu le développement de la révolution en octobre qui amènera la classe ouvrière russe au pouvoir. 
 
Cet ouvrage est crucial car il nous permet de bien comprendre la nature et l'origine de l'État, et l'attitude que doivent avoir les socialistes révolutionnaires par rapport à cette institution : faut-il ou nous participer aux élections, peut-on ou non se passer de l'État et si oui, comment ?

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Ci-dessous, une présentation et un résumé du livre, CIO-CI
 
Dans son livre, Lénine fait un bilan de l'évolution de la pensée de Karl Marx et de Friedrich Engels sur la nature de l'État et l'alternative à mettre en place. Il est à noter que Marx et Engels n'ont jamais eu une idée tout à fait formée et arrêtée sur cette question, mais que leur analyse a évolué au fur et à mesure des grands évènements sociaux qui se sont déroulés à leur époque et de l'expérience du mouvement prolétaire au fil du temps, avec la création des premiers partis social-démocrates mais aussi et surtout l'expérience de la Commune de Paris, premier État ouvrier de l'histoire (dont l'existence n'a duré que quelques semaines avant d'être réprimé dans un bain de sang).

La deuxième partie du livre est une série de polémiques, exposant et répondant aux différents arguments avancés par les anarchistes d'un côté, par les réformistes “démocrates” de l'autre, à la lumière des enseignements de Marx et Engels.

Pour les marxistes, l'État est l'ensemble des moyens d'oppression physique ou morale (police, armée, justice, administration, voire aussi médias, Église, syndicats “jaunes”…) visant à assurer la domination d'une classe sociale bien spécifique sur l'ensemble de la société, dans un mode de production donné. L'État a notamment le monopole légal de la violence, le seul à avoir le droit d'user de violence pour faire valoir ses intérêts. L'existence de l'État est le symptôme du caractère inconciliable des intérêts des classes qui s'affrontent, dans la mesure où la classe dominante met en place un ensemble d'institutions répressives visant à assurer la pérennité de l'ordre social établi.

Quelle que soit sa forme extérieure (« démocratie », « dictature », avec plus ou moins de nuances intermédiaires), l'État actuel est un État bourgeois, c'est-à-dire une machine entre les mains de la bourgeoisie pour assurer sa domination sur l'ensemble de la société. Il n'est donc pas possible, du point de vue des socialistes véritables, de s'emparer de cet État pour le faire tourner au profit de la classe prolétaire et des masses populaires de manière générale. Au contraire, afin d'assurer la victoire de la classe prolétaire – la dictature du prolétariat –, celle-ci doit non seulement détruire l'État bourgeois, mais en même temps édifier sa propre machine pour assurer son règne et empêcher le retour au pouvoir de la bourgeoisie : c'est la nécessité de construire un État prolétarien, un État « ouvrier ».

On est donc loin de la vision petite-bourgeoise de l'État pour qui il serait un organe de « conciliation » ou d'« équilibre ». Il est vrai que la meilleure forme d'État bourgeois pour les révolutionnaires est la démocratie, car elle permet une liberté de discussion et d'organisation et une certaine participation de la classe des travailleurs aux prises de décision. Mais si les élections permettent de mesurer le degré de maturité de la classe des travailleurs et d'obtenir quelques élus qui pourront utiliser leur autorité de députés ou de conseillers communaux et régionaux pour contribuer à l'organisation des luttes, il ne faut pas s'attendre à faire changer quoi que ce soit par une lutte purement électorale. On n'est d'ailleurs jamais à l'abri d'un coup d'État constitutionnel ou militaire, d'une rébellion ou d'une intervention étrangère – l'expérience du Chili, du Nicaragua, du Burkina ou de la Côte d'Ivoire l'a bien montré.

Le socialisme vise à faire disparaitre toute forme d'oppression. C'est pourquoi, comme les anarchistes, nous voulons faire disparaitre l'État. Mais là où les anarchistes veulent voire disparaitre l'État dès à présent (par le terrorisme ou par… un effort mental), sans toucher aux bases sociales qui sont à l'origine de l'État, nous voulons d'abord nous attaquer à ces causes. C'est pourquoi nous disons que la classe ouvrière doit créer son propre État.

L'État ouvrier serait également une machine d'oppression, mais qui agirait dans les intérêts de la majorité de la population, au détriment de la petite minorité d'exploiteurs de la veille. Car au moment où la classe prolétaire deviendra classe dominante dans un pays, la classe bourgeoise existera toujours dans ce pays et en outre, sera toujours au pouvoir dans les autres pays. L'État ouvrier aura donc la tâche de mettre en place sa propre armée, sa propre police, ses propres médias, sa propre administration, mais aussi, de tout faire pour exporter la révolution, la faire éclater sur le plan international, seule garantie contre les interventions ou les boycotts de l'étranger.

Lénine nous donne des pistes vers la manière dont l'État prolétarien devrait fonctionner, sur base de l'expérience de la Commune de Paris et de l'analyse de Marx et Engels. Selon lui, tout individu devra être capable d'accomplir les tâches de l'État, afin de le rendre moins indispensable : « N'importe quel cuisinier doit pouvoir devenir ministre ». Il s’agira donc de simplifier l’État et sa bureaucratie, d'empêcher la course aux privilèges et aux postes, en assurant la révocabilité des fonctionnaires, leur électivité à tous les niveaux, et leur absence de privilèges : « un salaire de travailleur pour les représentants des travailleurs ». La révolution devra aussi supprimer le parlementarisme, entendu au sens que ce n’est qu’un leurre, le véritable pouvoir étant ailleurs. Cependant, il faudra maintenir une représentativité et une centralisation des décisions : on ne parle pas ici de « démocratie directe ».

L'électivité, la révocabilité et l'absence de privilèges devront s'étendre à toutes les instances d'État, y compris en ce qui concerne les chefs de la police et de l'armée (élus par leurs propres agents ou soldats ou par des comités populaires) ou les juges (élus par leurs concitoyens), mais aussi les directeurs et cadres de l'administration et de l'industrie nationalisée (élus par les assemblées du personnel dans les entreprises, dans les usines ou sur les plantations, avec aussi une participation des associations de consommateurs, des syndicats nationaux, etc.). Car il n'y a pour nous pas de démocratie politique sans démocratie économique.

En même temps, l'intérêt de la classe prolétaire est d'assurer la collectivisation de l'économie. C'est pourquoi après la prise du pouvoir par les travailleurs et les masses populaires, avec la nationalisation des secteurs-clés de l'économie sous contrôle démocratique de comités ouvriers ou populaires, le lancement d'un plan d'investissement massif dans l'industrie, les transports, la grande distribution et les services publics, la mise en place progressive d'une agriculture collective, etc., la propriété privée des moyens de production, tout comme la petite production ou le petit commerce individuels, disparaitront progressivement – et avec la disparition de la propriété privée, disparaitront en même temps les classe sociales. C'est-à-dire que petit à petit, l'ensemble de la population deviendra prolétaire, et on ne parlera plus de bourgeoisie, ni de paysannerie, ni d'artisanat. Or, s'il n'y a plus de classes sociales, il n'y a plus besoin d'un État non plus.

L'État ouvrier sera donc un État en désintégration progressive par sa nature même, dont l'action fera disparaitre la nécessité d'existence. La société communiste véritable, en tant que stade supérieur, mûr, de la transition socialiste, se passera d'État et verra les êtres humains assurer eux-mêmes les conditions et les choix de leur existence.


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