samedi 18 octobre 2014

Congo : Hommage à Patrice Émery Lumumba

Une vie source d'inspiration et d'enseignements


Ce n'est pas pour rien que Lumumba est un personnage cité en référence par la plupart des mouvements panafricanistes et patriotes africains, y compris en Côte d'Ivoire. Son idéalisme et son abnégation, son statut de martyr également, en font le héros idéal. Mais il ne suffit pas de citer le personnage : pour le triomphe de la révolution africaine, il faut étudier la vie de Lumumba et comprendre les erreurs commises par lui afin d'éviter une répétition de tels désastres. Car n'oublions pas que le meilleur hommage que nous puissions lui rendre est de diriger une lutte victorieuse pour la libération totale et véritable de l'Afrique, pour une Afrique affranchie de l'impérialisme, une Afrique socialiste.


Hommage à Patrice Émery Lumumba

Texte rédigé par Dalaï, groupe sympathisant du CIO en Côte d'Ivoire

Dans « l’empire du silence », il a crié et toute l’Afrique a entendu sa voix. Il a vécu pour l’Afrique digne et a laissé aux jeunes Africains et de partout l’espoir d’une lutte. Dans la fleur de l’âge, la barbarie impérialiste, la brutalité de l’amour de la domination ont tenté de l’éteindre à jamais. En lui donnant la mort, ils ont oublié qu’ils venaient de ressusciter toute l’Afrique et tous les épris d’un monde égalitaire.

Vexé dans son fort intérieur par l’injustice et la bestialité d’un système au visage hideux, Lumumba s’est armé de courage et de rhétorique pour combattre l’injustice.

Il a d'ailleurs écrit :
« Ô Noir, bétail humain depuis des millénaires,
Tes cendres s’éparpillent à tous les vents du ciel ;
Et tu bâtis jadis les temples funéraires
Où dorment les bourreaux d’un sommeil éternel ».

Pour ton combat au nom de cette Afrique martyrisée, se souviennent encore de toi Jean-Paul Sartre, Aimé Césaire, Béchir Ben Yamed, Fanon et même certains de tes bourreaux. Ta vie nous enseigne la persévérance, l’engagement, le courage et l’amour pour les êtres humains. Hier en t’assassinant, ils ont certes tué un lutteur, mais on oublié qu’ils viennent de décupler la lutte pour la dignité.

Hélas et milles fois hélas pour eux, car comme l’affirmait Césaire « Lumumba mort, Lumumba tué, sera pour les impérialistes et leur valets plus dangereux que Lumumba en vie » Hélas et encore, car même mort, « Lumumba cesse d’être une personne pour devenir l’Afrique toute entière », comme le soulignait Jean-Paul Sartre.

Comme Lumumba, tous les jeunes doivent cesser d’êtres des hommes normaux dans un monde anormal ; d’être des êtres ordinaires dans un monde extraordinaire. Il faut défendre, même au risque de sa vie, la vérité, la justice, la liberté et l’amour.


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50 ans depuis l’assassinat de Patrice Lumumba, héros de l’indépendance du Congo

Article publié le 16 janvier 2011 par nos camarades congolais sur le site de la section belge du CIO, le Parti socialiste de lutte / Linkse Socialistische Partij

Le 17 janvier 1961, Patrice Émery Lumumba, premier Premier ministre de la jeune république du Congo, était lâchement assassiné dans la brousse du Katanga – soit seulement six mois après l’indépendance de l’ex-colonie belge. Cet assassinat, perpétré par le gouvernement fantoche du Katanga « indépendant » avec la complicité active des autorités belges et américaines, marquait le début d’une répression féroce envers les forces populaires, ouvrières et paysannes qui avaient conquis l’indépendance de haute lutte – processus de réaction féroce dont le couronnement a été l'arrivée au pouvoir de la dictature sanguinaire de Mobutu qui dura 35 années.

Patrice Lumumba était de la génération des leaders petit-bourgeois qui ont dirigé les luttes de libération nationale en Afrique au cours des années ’50, ’60 et ’70. Celui-ci faisait partie de la couche appelée de manière insultante les « évolués » par les autorités coloniales belges : il possédait un travail bien rémunéré pour un « nègre » et avait suivi une bonne instruction.

En tant que bon sujet colonial et bon catéchiste, le rêve de Lumumba lors de sa jeunesse était de devenir un vrai Belge. L’ironie voulait que le jeune Patrice ait pris au sérieux les mots d’ordre de « civilisation » propagés par les prêtres et fonctionnaires artisans de la colonie. Cependant, rapidement, il dut se rendre compte que ces mots d’ordre n’étaient qu’une mascarade et que les nègres n’étaient là que pour extraire les matières premières nécessaires aux capitalistes belges et servir de garde-chiourme pour les meilleurs d’entre eux. Il décida donc de s’engager dans la lutte anticoloniale afin de sortir ses « frères de race » de cet asservissement.

Lumumba était de cette classe petite-bourgeoise : celle qui vogue entre deux eaux mais également celle qui sait s’appuyer sur les masses populaires ouvrières et paysannes pour conduire une lutte de libération nationale. C’est principalement sous l’effet de ces masses que la doctrine et l’action de Lumumba ont évolué de manière radicale. Après que les masses soient descendues dans la rue pour revendiquer l’indépendance immédiate, Lumumba n’a eu de cesse de soutenir cette revendication ; lorsque cette indépendance a été conquise, il s'est élevé aux côtés des masses en tant que Premier ministre avec l’idée selon laquelle une indépendance de façade ne suffisait pas et que les richesses du pays devaient profiter au peuple congolais, contre les ingérences de l’ex-colonie soucieuse de maintenir l’exploitation de ses entreprises malgré l’indépendance formelle ; enfin, il a organisé la lutte armée de ses partisans regroupés à Stanleyville contre le coup d’État de Mobutu, téléguidé par Bruxelles et Washington.


Cependant, Lumumba n’a pas eu le temps de tirer les leçons de ses erreurs. Si celui-ci était mû par une foi inébranlable dans le peuple congolais et la nécessité de l’indépendance réelle, il était également proie à un idéalisme qui frisait la naïveté : c'est sa vision du peuple congolais comme un tout indivisible qui l'a poussé à accepter – sur pression de la Belgique – un gouvernement avec le « parti des nègres payés » comme les Congolais aimaient appeler ces dirigeants noirs qui n’avaient d’autres ambitions que de remplacer le Blanc dans l’extorsion des richesses du peuple. Ce sont ces laquais de l’impérialisme qui ordonneront son assassinat, vendant l’indépendance contre un poste ministériel et une place dans un conseil d’administration d’une multinationale belge ou américaine.

Ce n'est que quelques semaines avant son triste sort que Lumumba a compris qu’afin de conquérir l’indépendance réelle, il ne pouvait s’appuyer que sur l’action coordonnée des masses ouvrières et paysannes. Il n'a compris que tardivement également que l’indépendance réelle et le bénéfice des richesses du pays à son peuple ne pouvaient passer que par la prise en main de ces richesses par les masses elles-mêmes, et que jamais les impérialistes ne permettraient qu’une part, même infime, de cette richesse ne leur échappe.

Le 17 mai 2011, la voix de Lumumba, héros de la première indépendance du Congo, résonnera dans le cœur de chaque Congolais. Nous espérons qu’à partir d’aujourd’hui, les ouvriers et paysans du Congo lutteront afin de « reconstruire notre indépendance et notre souveraineté ; parce que sans dignité il n’y a pas de liberté ; sans justice il n’y pas de dignité ; et sans indépendance il n’y a pas d’hommes libres », tout en tenant compte des erreurs de Lumumba, mais en s’inspirant de sa foi inébranlable et de sa détermination sans faille.

Nous savons que cette lutte triomphera et que « L’histoire prononcera un jour son jugement, mais ce ne sera pas l’histoire qu’on enseignera à Bruxelles, à Paris, à Washington ou aux Nations unies ; ce sera celle qu’on enseignera dans les pays affranchis du colonialisme et de ses fantoches. L’Afrique écrira sa propre histoire et elle sera, au nord et au sud du Sahara, une histoire de gloire et de dignité »

Combien de martyrs encore avant notre libération ?

NB : les deux citations sont tirées du testament que Patrice Lumumba a laissé à sa compagne, sachant sa fin proche.

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