jeudi 8 août 2013

CI : Libération de 14 pro-Gbagbo

Le pardon du FPI et la justice des vainqueurs


L'affaire a fait la une des journaux pendant des semaines. Le FPI refusait de demander pardon. Pardon pour tous les crimes commis, pardon pour la guerre, pardon pour la crise post-électorale… Le FPI n'est-il pas responsable de l'entièreté de la situation que connait le pays en ce moment ? Pour un peu, on lui demanderait même de s'excuser d'avoir brisé le monopartisme !

Mais comme le disent les cadres du FPI : « Demander pardon à qui ? Pour quoi ? Pour faire quoi ? » Et la presse pro-régime de clamer : « Bon allez soyez sympa, Soro et Dramane ont demandé pardon, vous n'avez qu'à faire pareil ! »

Et puis, quelques semaines plus tard pourtant, voilà que, surprise, 14 de ces soi-disant criminels en puissance sont libérés ! Après plus de deux ans passés en prison sans jugement, les voilà tout à coup libérés sans jugement non plus. Qu'est-ce que tout cela signifie ?

Article par Jules Konan, représentant du CIO en Côte d'Ivoire


L'enfermement des pro-Gbagbo

Tout le monde se souvient de la façon dont le régime Gbagbo s'est soudainement retrouvé assiégé et chassé par une coalition impérialiste qui soutenait coute que coute Alassane Ouattara, son candidat, son poulain, ancien cadre du FMI, qui allait apporter la “démocratie” dans le pays après dix ans de crise politico-militaire.

Depuis, une grande partie des cadres du FPI et autres proches de Gbagbo ont été enfermés. C'est notamment le cas de Pascal Affi N'Guessan, président du FPI, de Simone Gbagbo, épouse de l'ancien chef de l'État, de toute une série d'anciens ministres FPI, mais aussi de personnes qui n'ont vraisemblablement jamais été impliquées dans quoi que ce soit, comme Michel Gbagbo, le fils de son père, qui ne s'est jamais investi en politique. Les arrestations se sont poursuivies avec celle en janvier 2013 de Blé Goudé, dirigeant de la Cojep (extradé à partir du Ghana), pour culminer avec celle de Koua Justin, président par intérim des Jeunes FPI, qui avait été arrêté au siège du parti le 7 juin pour “atteinte à la sureté de l'État”.

Cette dernière arrestation avait mis instantanément fin à toutes les tentatives de réconciliation entre RDR et FPI. Notre Voie écrivait le 29 juin : « L'arrestation de Koua a été tellement scandaleuse qu'on s'est cru dans une jungle. » S'est ensuivie alors une ultime campagne de dénigration et de criminalisation du FPI par le pouvoir, qui cherchait à créer une sorte de psychose. Ainsi, le journal RDR Le Patriote titrait un « Qui est derrière les coupeurs de route ? » à sa une du 15 juillet. Comme si l'instabilité dans le pays ne pouvait être imputée qu'à une seule force obscure œuvrant pour la déstabilisation du régime ! Ils sont incapables de comprendre ou d'admettre que l'insécurité galopante, la misère croissante… ne sont les résultats que de leur propre politique ! Pour un peu, on s'attendrait à voir Le Patriote titrer « Qui est derrière la cherté de la vie ? »

Arrestation des dirigeants pro-Gbagbo après le putsch de 2011

Un régime de plus en plus isolé

Car le président a beaucoup de soucis à se faire ces derniers temps : non seulement son projet de vote en urgence d'une réforme majeure de la loi sur la nationalité a été bloqué par ses amis du PDCI, mais en plus, son régime est à présent assiégé de toutes parts par ses anciens soutiens impérialistes qui ne cachent plus leur déception vis-à-vis de leur proconsul chéri.

Non seulement le pays est au bord de l'explosion populaire à cause du chômage, des licenciements, de la misère, de la hausse des prix, des déguerpissements, de l'insécurité, des retards de paiement des salaires et des bourses, et de l'arrogance du gouvernement en général (la seule chose qui empêche cette explosion de se produire, étant l'absence d'une alternative et la crainte d'une nouvelle descente dans la guerre civile). Mais en plus, le régime est de plus en plus empêtré dans toute une série de scandales de corruption, d'accusations de pratiquer une justice à deux vitesses, de copinage, etc. qui font que les nombreux hommes d'affaires venus investir dans le pays après avoir été charmés par les beaux discours d'Alassane lors d'une de ses (très) nombreuses visites à l'étranger, repartent chez eux aussitôt après avoir mis le pied hors de l'aéroport, sans débourser le moindre argent dans le pays.

Après les rapports accablants de la part des ONG Human Rights Watch, Amnesty International, etc., qui épinglent non seulement le rôle des FRCI mais aussi celui de l'Onuci dans les massacres comme celui de Nahibly… même Jeune Afrique s'y met ! alors que ce magazine était pourtant un des piliers du soutien à ADO, jusqu'à encore son édition spéciale Côte d'Ivoire parue au début de l'année. Même le ministre Billon critique ouvertement le gouvernement duquel il fait partie – il est vrai, uniquement pour l'affaire du port dans laquelle il a un intérêt personnel. Le président a donc finalement été contraint à un réaménagement technique au sein de son cabinet, transférant les Mines d'un ministre à un autre. Mais nous reviendrons en détail sur tous ces scandales dans un prochain article.

Et donc, il est utile à ce moment-là de trouver des boucs émissaires. En tirant un peu sur l'opposition donc. “Le Patriote”, encore lui, titrait encore le 17/07 : « De 1990 à nos jours. FPI : 23 ans de violence et de crimes. Ils ont insulté, tué, fait la guerre, détruit le pays ». Joël N'Guessan, porte-parole du RDR, affirmait la même semaine constater l'« arrogance outrancière des dirigeants du FPI, [qui] estiment qu'ils n'ont aucune responsabilité dans le drame que la Côte d'Ivoire vit, que le FPI, suite à une erreur de casting, a gouverné notre pays pendant dix ans. […] Nous avons tous maintenant compris que le FPI ne changera jamais. Ils sont contre la réconciliation. » Avant de conclure que comme en Libye ou en Tunisie, où les partis des anciens dictateurs ont été dissous, il faudrait démanteler totalement le FPI.

Un président de plus en plus isolé

Le FPI tient bon malgré les attaques

Seulement, les tentatives d'isolement du FPI n'ont pas pris. Le procès de Gbagbo, dont les moindres soubresauts font chaque jour la une des journaux, constituant un nouveau feuilleton national digne des “Saloni” et autres “Teresa” qui passent sur RTI, n'a toujours pas démarré en réalité, puisqu'aucune charge n'a jusqu'à présent pu être retenue contre lui. La procureure Bensouda a été renvoyée à Abidjan chercher de nouvelles preuves, sans conviction – elle a jusqu'à novembre pour revenir convaincre les juges. La Russie (qui avait pourtant voté pour l'attaque de l'Onu sur la Côte d'Ivoire, mais c'était du temps de Medvedev) dénonce les magouilles de l'impérialisme français et l'injustice qui est faite au seul président légitime. Les militants du FPI défilent dans les rues de Washington, Londres, Paris, La Haye. La nouvelle représentante de l'Onu en Côte d'Ivoire, Aïcha Mindaoudou, incendiée par la presse bleue lors de son arrivée au pays en raison de son soutien au putsch de 2011, est apparemment tout à coup devenue la meilleure amie de Miaka Oureto (président par intérim du FPI). La libération de Gbagbo serait-elle imminente ?

Il faut tout de même en douter. La CPI a systématiquement refusé toutes les demandes de mise en liberté même provisoire, en expliquant son refus par le fait que les “accusations sont assez graves pour justifier la détention même sans preuves”. Joli ! Gbagbo est un bien trop gros morceau pour l'impérialisme. Sa libération susciterait un chaos sans nom en Côte d'Ivoire, vu qu'une moitié des Ivoiriens le reconnaitraient comme le véritable président élu. Et peut-être plus même, vu le nombre de gens qui regrettent aujourd'hui d'avoir voté Alassane… Le report du procès pour “insuffisance de preuves” est sans doute plus une manœuvre destinée à démarrer un procès sur base de preuves irréfutables, ne laissant aucun doute (aux yeux de la Cour) sur la culpabilité de Gbagbo, afin d'atténuer les soupçons de complot et de procès commandité par l'impérialisme.

C'est sans doute pour toutes ces raisons que la justice “indépendante” ivoirienne, que le gouvernement laisse depuis deux ans “faire son travail”, a subitement (la veille de la fête de l'Indépendance qui plus est, comme par hasard !) décidé de laisser sortir 14 prisonniers (sur les 700…), afin de donner un peu de satisfaction au FPI – sans doute pour mieux le préparer au fait que ni Simone, ni Laurent Gbagbo ne sortiront de sitôt. La libération de Justin Koua était nécessaire afin de pouvoir reprendre les négociations. Celle de Michel Gbagbo était somme toute logique et “humaine” vu que celui-ci n'a jamais été actif politiquement. 

Le plus cocasse cependant est la libération de Pascal Affi N'Guessan, président du FPI : il n'y a même pas un mois, le journal Nord-Sud (12/07) annonçait en effet la confirmation des charges contre 84 pro-Gbagbo, y compris M. N'Guessan. Des charges qui incluaient crimes économiques et atteinte à la sureté de l'État, auxquelles se sont ajoutés le génocide, le crime contre la population civile, les meurtres, les assassinats, les incendies volontaires d'immeubles, etc., etc. On parlait alors de preuves tangibles à disposition de l'accusation. Alors, comment justifier que tout d'un coup, sans aucun jugement, Pascal N'Guessan soit libéré ? Vraiment, quelle belle justice ! C'est du grand n'importe quoi, on n'y comprend plus rien.

Pascal Affi N'Guessan retrouve ses camarades après plus de 2 ans en prison

Le pardon du FPI ?

Bref, il semble donc que l'attitude de fermeté adoptée par le FPI au regard des derniers évènements a porté ses fruits. Interviewé le 17/07 par le journal Nord-Sud, Richard Kodjo, secrétaire du FPI, expliquait que « Nous sommes les véritables martyrs. Car, pour un litige électoral, nous avons près de 700 de nos camarades qui ont été arrêtés. […] Nous pensons qu'il n'y a pas de volonté d'aller à la réconciliation de la part du gouvernement. […] On ne peut prêcher la réconciliation et traquer un seul camp. » Interrogé sur le fait que Outtara et Soro auraient demandé pardon, Kodjo répond ceci : « Le vrai pardon se demande quand pour aller à la paix, les deux groupes qui sont en palabre s'asseyent autour d'une table pour discuter, tout en faisant qu'aucun des deux groupes ne soit à nouveau frustré. Aujourd'hui dans un camp il y a des frustrés, et dans l'autre, ça rigole. Quand on nous appelle pour négocier le 10 juin et que le 7 juin, on arrête Justin Koua, le leader de notre jeunesse, que voulez-vous que nous fassions ? »

En même temps, le journal Le Jour faisait une liste des 10 bonnes raisons pour lesquelles le FPI devrait demander pardon : les escadrons de la mort, le recrutement de mercenaires libériens, la priorité à la guerre plutôt qu'au développement, l'article 125, les pillages, le gaspillage de l'argent du pays pour s'acheter le soutien du lumpen, les meurtres politiques ou non, leur réjouissance à l'annonce de la mort de Guéi et autres, le cambriolage de banques, les tentatives de déstabilisation du pays. Avant de conclure que Outtara et Soro ont demandé pardon, et que c'est vraiment vilain de faire, comme le FPI, un classement entre les victimes du RDR et ses victimes à lui. On voit que d'une part, certaines des raisons mentionnées ne sont pas des crimes (franchement, qui n'aurait pas dansé à l'annonce de la mort de Chirac ?), et que beaucoup d'autres n'ont pas pu être prouvées comme étant directement liées au FPI, au grand dam de Fatou Bensouda. Enfin, Ouattara et Soro, apparemment modèles de moralité, ont beau demander pardon, nous autres on fait quoi avec ça ? Eux continuent à bouffer et à voyager tant qu'ils veulent !

En plus, quand on voit le président, en tournée dans le Nord pour y apporter le “développement” (il ne pouvait pas faire ça à partir d'Abidjan apparemment), faire un discours dans lequel il loue le “courage exceptionnel et la fidélité” de Soro qui auraient apparemment permis aux populations du Nord de recouvrer leur “dignité”, on peut se poser des questions à savoir si ce pardon est vraiment sincère ! Le président fait ainsi l'apologie de la rébellion et ne montre aucun remords : il n'y avait pas d'autre choix pour régler les problèmes du Nord, dirait-on. Comme si la rébellion avait apporté quoi que ce soit aux nordistes. Comme si l'arrivée d'Alassane au pouvoir avait changé quoi que ce soit pour les populations du Nord, qui restent soumises aux mêmes criminels et Com'zones que par le passé.

Soit, tout n'est pas réglé, le régime a fait un geste (enfin) en vue d'aller à des négociations, conscient de son isolement croissant. Rappelons que le FPI demandait, avant de reprendre les négociations : la libération des prisonniers politiques, le dégel des avoirs et la libération des logements des cadres (quand ils sortent de prison, les cadres du FPI se retrouvent en effet à la rue parce que tous leurs biens ont été saisis, pillés ou occupés !), le retour des exilés (beaucoup vivent à l'étranger dans l'insécurité et la précarité depuis deux ans, sans être surs de pouvoir rentrer au pays sans y être arrêtés), le libre exercice de l'activité politique (marches, etc.), le versement du financement d'État pour le parti (le financement des partis par l'État avait été institué par Gbagbo en 2004, afin de garantir le libre exercice du jeu démocratique, de sorte que chaque parti en profite, y compris le RDR et le PDCI, en plus de primes d'ancien chef de l'État et d'institutions ; mais le RDR refuse à présent de financer le FPI selon ces mêmes règles), etc. Mais il avait conditionné avant tout toutes ces demandes à celle de la libération du seul Justin Koua, pour le caractère absolument scandaleux et gratuite de son arrestation.

Pour le régime, cette libération était donc nécessaire afin de reprendre les négociations. Et surtout celle de Pascal Affi N'Guessan, président du FPI. En effet, de grandes décisions ne pouvaient être prises par le seul président par intérim Miaka Oureto. Il fallait donc libérer le président du parti. Qui se comportera surement sagement, vu que sa libération n'est que temporaire et qu'il peut être renvoyé en prison à tout moment.

Michel Gbagbo libéré lui aussi

Où va le FPI ?

Mais bon, toutes ces négociations, pour faire quoi finalement ? Il semble que le FPI soit purement dans une logique de “normalisation”, de retour au jeu “démocratique” et à la “paix sociale”, de discussions en vue de participer ou non aux élections, visant à permettre au FPI de jouer son rôle d'“opposition” en vue de l'“alternance” du pouvoir… Il parle d'égal à égal avec le RDR, en disant qu'il faut que “dans les deux camps, il n'y ait pas de frustrés”. C'est-à-dire qu'on est loin, bien loin, du socialisme, de la déclaration de guerre contre l'impérialisme, de l'inévitable conflit entre classes sociales qui ne peut se résoudre que par la révolution. Non, le FPI est un parti (petit-)bourgeois qui vise uniquement à revenir aux affaires dans le cadre de l'État bourgeois. Tout son comportement au cours de ces négociations et palabres avec le pouvoir est celui d'un parti qui se considère comme faisant partie de la même classe sociale que les autres. 

À cet égard, les discours des principaux libérés est éclairant. Voyons ce que dit Pascal Affi N'Guessan : « C’est [votre] mobilisation qui expliquera demain la normalisation en Côte d’Ivoire, la libération de tous nos camarades qui sont encore détenus, le retour d’exil de tous les camarades qui sont obligés de fuir leur propre pays, et le retour parmi nous du président Laurent Gbagbo. […] Nous ne voulons pas de palabre à qui que ce soit. Nous ne sommes pas des revanchards. […] Le pouvoir en place doit savoir que le Front populaire ivoirien, parti d’opposition, est un partenaire dans la reconstruction de la Côte d’Ivoire. Il faut qu’ils nous comprennent comme tel, et qu’ils ne cherchent pas à détruire l’opposition. Parce que ce ne sera pas possible ! La situation actuelle le prouve. Et ce ne serait pas dans l’intérêt du pays. Nous sommes donc ouverts et nous demandons le dialogue. Le dialogue politique franc et sincère ! » 

Un parti révolutionnaire n'aurait jamais entamé la moindre négociation avec le pouvoir. Pas par souci de “revanche” ou par esprit de “palabre”, mais parce qu'il aurait été clair pour tous deux qu'entre eux, aucun partage du pouvoir, aucune “alternance” n'est possible, puisqu'ils ne visent pas le même type de pouvoir : l'un veut maintenir l'État bourgeois, l'autre veut le détruire et le remplacer par un État prolétarien basé sur le pouvoir des agoras et de comités ouvriers et paysans. 

Mais le FPI ne joue pas dans ce jeu-là. Il est clair que si aujourd'hui, le FPI devait revenir au pouvoir, leur politique serait une politique bourgeoise qui, même si son style pourrait être différent de celui du RDR (plus “sociale”, plus “à l'écoute” de la population), ne serait pas fondamentalement différente. Le pays resterait soumis à l'impérialisme, comme il l'a toujours été même au plus fort de la crise, le budget d'État serait conditionné au bon vouloir du FMI, les grèves seraient découragées, etc. Car dans ce contexte international, la concurrence est rude entre les divers pays pour attirer les fameux investisseurs étrangers, et chacun se doit d'être plus “compétitif”. 

En plus, les détournements continueraient sans doute ; même avec tout le bon vouloir des dirigeants, les ressources d'État continueraient à être gaspillées, car dans le contexte actuel, la seule chose qui puisse mettre un terme à l'arrogance des cadres et à la mangercratie, est le contrôle populaire via ses propres organes de justice démocratique.


Libérez les prisonniers ! Pour un jugement de TOUS les acteurs de la crise, par un tribunal populaire !

Pour conclure donc, quelle est la position du CIO par rapport à l'enfermement des cadres du FPI ? Le CIO condamne fermement les arrestations et détentions arbitraires par le régime Ouattara. Le CIO condamne le rôle de la CPI en tant qu'organe à la solde de l'impérialisme, qui de plus n'a jamais jugé que des dirigeants africains – on attend toujours que George Bush, Sarkozy ou Poutine y comparaissent ! Nous n'accordons pas la moindre confiance au système “judiciaire” ivoirien ni à son gouvernement, ni à l'ensemble de son État bourgeois néocolonial. Toutes les institutions sont mouillées, dirigées et corrompues, il est clair qu'elles n'ont aucune autorité de juger les militants du FPI, que tout cela ne fait partie somme toute que d'un règlement de compte entre politiciens, qui ne concerne en rien la population. C'est pourquoi le CIO réclame, avec les militants du FPI et l'ensemble des forces démocrates, la libération immédiate de l'ensemble des prisonniers politiques, y compris celle de Laurent Gbagbo, des geôles de l'impérialisme.

Cependant, nous ne sommes pas pour l'amnistie. Des crimes ont réellement été commis, par des personnes qui se trouvent dans les deux camps. Mais il n'existe aucune institution bourgeoise digne de les juger. Les crimes sont partagés. Un camp a embarqué le peuple dans une aventure soi-disant anti-impérialiste qui a mal tourné, sans se donner les moyens d'analyser correctement l'ennemi ni les moyens de le battre comme il se devait – par l'expropriation des capitaux étrangers et des entreprises étrangères, par leur nationalisation sous contrôle démocratique par les travailleurs, par l'extension des agoras en tant qu'organe de pouvoir indépendant représentant l'entièreté de la nouvelle souveraineté nationale, plutôt qu'en tant que soutien à un pouvoir bourgeois. L'autre camp n'a fait qu'appliquer froidement et cruellement les ordres de l'impérialisme, s'imposant aux masses nordistes pour une soi-disant libération qui n'était en réalité qu'une nouvelle oppression, avant de confisquer le pouvoir d'État et de s'y installer pour manger, manger, à tel point qu'il suscite maintenant la colère de ceux-là mêmes qui l'ont aidé à s'y installer. De part et d'autre, il y a eu des exactions, des meurtres, des crimes divers, même si certains peuvent à la limite être justifiés par l'urgence de la situation. Et puis, il y a une foule de crimes commis par des personnes n'appartenant à aucun des deux camps, mais qui se sont laissées emporter par la situation de crise, ou qui en ont carrément profité.

Il faut juger toutes ces personnes. Il faut juger Laurent Gbagbo. Il faut juger Guillaume Soro. Il faut juger Blé Goudé. Il faut juger Alassane Ouattara. Et tous les autres. Tous les cadres, tous les chefs de guerre, tous les intellectuels installés confortablement pendant que le peuple souffre, tous les dirigeants d'entreprise, de parti, tous les miliciens. Mais ce jugement ne peut se faire que par le peuple de Côte d'Ivoire lui-même. À cette fin, nous appelons les gens de chaque quartier, chaque village, chaque campement, à se réunir et élire des délégués, nationaux et non-nationaux, femmes et hommes, jeunes et vieux, qui agiront au nom de leur communauté, sans aucun privilège particulier, et qui convergeront dans un lieu public, comme le stade Houphouët-Boigny, afin que devant eux défilent l'ensemble des accusés. Que le procès dure autant de temps qu'il soit nécessaire. Que chacun s'explique, que chacun témoigne. Que la lumière soit faite. Que chacun soit jugé et condamné ou gracié comme il le mérite. Qu'un budget soit prévu pour cela à partir du budget national. Cette réunion pourrait servir du même coup à la convocation d'une nouvelle assemblée constituante afin de plancher sur une nouvelle constitution pour la Côte d'Ivoire, et à l'émergence d'un véritable pouvoir populaire, véritablement démocratique, des travailleurs et des paysans, un gouvernement des pauvres.

Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons réellement faire une croix sur notre passé, nous réconcilier, et aller de l'avant vers un nouvel âge d'or, dans le cadre du socialisme véritable.

Tribunal populaire révolutionnaire au Burkina
destiné à juger les cadres de l'ancien régime


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