dimanche 16 juin 2013

CI : la situation dans les zones industrielles



Les employés des zones industrielles, des laissés-pour-compte



Semble t-il, la précarité est la chose la mieux partagée chez les travailleurs des zones industrielles de Côte d’Ivoire ?

Cette question qui relèverait d’une comédie de mauvais gout, décrit parfaitement le quotidien de ces braves travailleurs qui tiennent à leur manière l’économie de ce pays.

Article par Dalaï Pierre et Jules Konan, sympathisants du CIO en Côte d'Ivoire

Il y a aujourd’hui quatre zones industrielles en Côte d’Ivoire : Yopougon, Vridi, Koumassi (toutes trois à Abidjan), et San Pedro. Ces zones industrielles ont permis à la Côte d’Ivoire de développer l’un des tissus industriels les plus denses de la Cédéao. La concentration des entreprises en ZI permet d’encourager l’installation de ces entreprises par la fiscalité, la proximité des autres entreprises, etc. Cela permet aussi en théorie une meilleure gestion de l’urbanisme et la spécialisation de l’espace urbain en zones résidentielles, commerciales, etc. 
En revanche, on constate justement que cette politique d’urbanisme semble inadaptée aux conditions ivoiriennes. Une zone industrielle, c’est bien joli, mais où logent les ouvriers ? Où mangent-ils ? Comment se rendent-ils au travail ? La politique de séparation des zones d’activité suppose notamment une politique de transports publics permettant aux travailleurs de se rendre sur leur lieu de travail, et de rentrer dans de meilleures conditions  chez eux le soir. Or, si on regarde par exemple la situation à Vridi, la zone n’est accessible que par deux entrées menant à un seul grand boulevard, qui est perpétuellement encombré de camions et autres véhicules. Il y a bien quelques bus de la Sotra, mais le manque de moyens alloués à cette compagnie publique l’empêche de jouer son rôle de manière adéquate. De plus, beaucoup de travailleurs habitent relativement loin.

Pour ceux qui résident à Port-Bouët ou Yopougon, il leur est tout simplement impossible de faire la navette. D’une part à cause des nombreux embouteillages. D’autre part parce que leurs salaires ne leur permettent tout simplement pas de rentrer à la maison tous les soirs ! Les travailleurs se voient donc contraints de camper comme ils peuvent sur leur lieu de travail. En ce qui concerne la restauration aussi, les ouvriers et employés doivent se contenter de tables sur le bord de la route. Dans des conditions similaires en Europe et en Amérique, les usines étaient au contraire construites au milieu de vastes zones de logements ouvriers (ce qui entrainait par ailleurs d’autres contraintes pour les travailleurs et leur famille, comme celles de subir la pollution dans leur vie de tous les jours, (et d’être souvent à la merci du patron en ce qui concerne leur logement et leurs achats). C’est pire encore pour ceux qui travaillent en Zone 4, où les woros-woros sont interdits de circulation – on est obligé de marcher pendant des kilomètres entre le lieu de travail et la “gare” la plus proche.

En l’absence d’une possibilité de faire la navette avec les quartiers résidentiels, on voit donc aujourd’hui la prolifération anarchique de logements précaires, d’écoles privées, d’hôtels, etc. dans des zones à la base non prévues pour cela. Certains patrons aussi se livrent à la sous-location abusive de leurs lots pour les travailleurs qui y sont “logés”. Tout cela accentue dans ces zones le problème de l’accès à l’eau, à l’électricité, etc. Aujourd’hui, le gouvernement parle de réhabilitation des zones industrielles : accélération des démarches pour l’obtention d’un terrain, réaménagement des routes, réorganisation des structures de gestion des ZI… Cela laisse présager de nouveaux déguerpissements anti-pauvres.

Des zones industrielles où il ne fait pas bon vivre

En outre, selon la Fesaci  (Fédération des  syndicats  autonomes de Côte d’Ivoire), le “salaire” payé  à ces travailleurs  ne représente même pas le Smig  ivoirien (actuellement autour de 33 000 francs). Une  tragédie, car c’est la force du travail qui est ainsi “esclavagisée”. Les principales  zones industrielles du pays (Yopougon au nord et Koumassi au sud d’Abidjan), à travers cet état de fait, présentent  l’image d’entreprises inhumaines et dévoratrices  de la race humaine. 

Ces immenses lieux de travail échappent également  au contrôle de l’État à travers l’inspection de travail, de sorte que des individus travaillent plus de cinq ans sans être embauchés (nos enquêtes), une autre tragédie qui malheureusement n’est pas le propre de la Côte d’Ivoire.

Outre les mauvaises conditions de travail – manque d’assurance, aucune garantie pour les accidents de travail, sécurité approximative ou inexistante… –  s’ajoutent aux réalités que ces “esclaves des temps modernes” vivent et continuent de vivre dans l’indifférence totale.

C’est pourquoi, nous voulons nous faire l’écho de ce cri d’orphelins qui siffle dans le vacarme des machines des nouveaux capitalistes, éternels insatisfaits et patentés du profit exagéré. Ils les tuent à petit feu sur l’autel de leur profit, pour toujours conforter leur hégémonie et mépriser la classe des travailleurs. 
Les ouvriers sont fatigués de leurs conditions de travail


Cependant, que doivent faire ces braves travailleurs ? Quels seraient alors les moyens d’organiser cette lutte ? Celle-ci doit passer avant tout par la lutte syndicale.

Malheureusement, le mouvement syndical en Côte d’Ivoire est affaibli par sa division extrême, par sa corruption, par le manque d’idéologie de ses dirigeants, et par le manque de démocratie en son sein et par son inféodation à des partis politiques. Sans compter les limitations au droit de grève apportées par le gouvernement (ponctions salariales, violences policières, etc.).

En plus, dans beaucoup d’entreprises, les patrons contournent la mise en place d’une représentation syndicale par la non-embauche des travailleurs. Seuls quelques privilégiés bénéficient d’un contrat, tandis que les autres, comme nous l’avons dit, travaillent de manière précaires pendant des années, et sont remplaçables à tout moment. Cette situation favorise dans l’esprit des travailleurs embauchés un esprit corporatiste qui vise avant tout à défendre leurs propres intérêts plutôt que ceux de l’ensemble du personnel.

Il faut pourtant tout mettre en œuvre pour convaincre les dirigeants syndicaux de mener campagne pour le recrutement des travailleurs non embauchés, afin de renforcer le mouvement, de mener la lutte pour l’embauche, et ainsi d’assurer que les conditions salariales de tous soient respectées, ce qui contribuera à tout le monde, en évitant les pressions vers le bas (du genre : “Tu n’es pas content de ton salaire ? Très bien, je prends à ta place quelqu’un que je paierai 20 000 francs par mois !”). Vu la multiplicité des centrales syndicales et la relative liberté d’organisation syndicale dans le pays, nous ne pensons pas qu’il vaille la peine de créer de toutes pièces un nouveau syndicat “rouge”.

Nous appelons plutôt l’ensemble des travailleurs à faire pression sur leurs dirigeants pour le respect de la démocratie syndicale et pour la mise en place de stratégies combatives afin de faire avancer la lutte des travailleurs. Cet appel concerne en particulier les représentants syndicaux au niveau de leur entreprise, qu’ils se fassent démarquer par leurs actes et puissent sur cette base gagner une autorité dans leur centrale, en attendant une éventuelle réunification du mouvement.

 
Des syndicats très “combatifs”


Face à l’urgence dans le pays, une campagne syndicale doit notamment être menée sur les points suivants :
        Revalorisation du Smig à 60 000 francs par mois !
        Contre les contrats précaires, pour l’embauche de tous les contractuels !
        Pour une politique de transports socialiste : refinancement de la Sotra, organisation de bus spéciaux faisant la navette entre les quartiers ouvriers et les zones industrielles, plans en vue de la construction d’un métro à Abidjan – avec ticket gratuit‎ !
        Organisation de cantines ouvrières dans les zones industrielles, à prix modique, et subventionnées par les entreprises !
        Organisation de logements ouvriers à la place des camps temporaires ! Réorganisation du réseau électrique et d’adduction d’eau afin de rendre ces logements viables.
        Défense du droit de grève et des délégués !
        Recrutement massif dans les syndicats des travailleurs précaires, non-nationaux et des femmes !
        Pour une véritable démocratie syndicale ! Élection des dirigeants syndicaux, révocabilité à tout moment ; non aux privilèges des dirigeants syndicaux – pour des représentants ouvriers avec salaire ouvrier !
        Marre de dépendre du bon vouloir d’“investisseurs étrangers” : non au néocolonialisme –politique d’investissement massif de l’État dans l’industrie !
        Gestion des zones industrielles par des représentants du mouvement ouvrier démocratiquement élus, révocables à tout moment et ne recevant rien de plus qu’un salaire ouvrier.

Enfin, Il faut que tous les prolétaires (les vrais) disent non à ce suicide collectif et que la révolution pour un monde égalitaire, juste et équitable devienne une réalité dans notre beau pays.

Vive la lutte, vive la révolution.

Une seule solution : organisation et grève

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