lundi 22 avril 2013

Corée du Nord

Le dictateur nord-coréen brandit la menace nucléaire

Simple provoc', ou l'annonce de millions de morts ?

L'armée nord-coréenne de nouveau sur le pied de guerre

Les craintes et tensions en péninsule coréenne et dans le monde ont connu un nouveau pic la semaine passée, pour des raisons très compréhensibles. La Corée du Nord est un régime quasi stalinien d'un genre très particulier et fondamentalement instable. Son nouveau “grand dirigeant”, Kin Jon-un, semble encore plus imprévisible que son père en ce qui concerne ces menaces d'envoyer des bombes nucléaires sur ses voisins.

Considère-t-il le sud de cette péninsule divisée comme constituant une menace majeure envers son régime dictatorial (surtout vu la différence de niveau de vie et la présence dans le Sud de quelques éléments de base de démocratie) ? Cherche-t-il à démontrer, vu son jeune âge, à sa propre clique dirigeante, y compris à sa tante et à son oncle, qu'il a la carrure d'un chef ? Tente-t-il d'utiliser la menace d'attaque nucléaire afin de contraindre ses voisins à un retour à la table des négociations ? À moins que son objectif ne soit d'obtenir la levée des sanctions internationales et une hausse de l'aide alimentaire pour sa population affamée ?

Clare Doyle, secrétariat international du CIO



Kim Jong-un, le jeune dictateur nord-coréen
Probablement un mélange de toutes ces raisons. Nous avons ici réellement une situation dans laquelle un échange nucléaire pourrait démarrer à tout moment – délibérément ou par accident. Cela ne peut être exclu. Un tel acte engendrerait un véritable cauchemar de mort et de destruction, l'effondrement du régime nord-coréen et une crise majeure pour la Corée du Sud et pour toute la sous-région.

La première réponse des États-Unis par rapport aux menaces de la Corée du Nord a heureusement été “revue à la baisse”, selon le mot d'un commentateur de l'université Yonsei. Après avoir envoyé des bombardiers B2 survoler la péninsule, les États-Unis ont reporté leur test prévu de tir de missiles intercontinental et cherchent apparemment le “dialogue” plutôt que la “dissuasion active”.

La nouvelle équipe dirigeante à Beijing semble elle aussi moins prompte que dans le passé à apporter son soutien automatique au régime nord-coréen et à ses provocations périodiques à l'encontre de l'impérialisme et du régime sud-coréen. D'un autre côté, dans le Sud, la “politique de confiance” du nouveau régime de droite implique l'acceptation que la “dénucléarisation” n'est pas la seule chose à faire avant la neutralisation de la menace quasi permanente provenant du Nord.

Un des facteurs qui joue sans doute dans les calculs du régime du Nord est la crainte que s'il devait supprimer son arsenal nucléaire, il subirait alors le même sort que les régimes irakien et autres qui ont subi le courroux de l'impérialisme.
Kim Jong-un devant ses généraux

Beaucoup d'hypocrisie

Le fait que les États-Unis et la Chine exigent le désarmement total de la Corée du Nord, alors que ces pays sont eux-mêmes armés jusqu'aux dents (notamment d'armes nucléaires qu'ils n'ont pas la moindre intention de démanteler), est le signe d'une terrible hypocrisie. Les armes nucléaires sont des dispositifs monstrueux de destruction massive. Aucun gouvernement sain d'esprit ne ferait usage de ces armes, à cause de la perspective de destruction mutuellement assurée qui en découlerait. Ces armes ne servent que de moyens de dissuasion.

Mais cela ne signifie nullement que de telles armes ne pourraient être déclenchées par un dirigeant malade ou par accident. Dans le cas de la Corée, cette nouvelle instabilité est à replacer dans le contexte qui suit la mort de Kim Jong-il, dont le “règne” a vu la majorité de la population nord-coréenne plonger dans la misère et la famine. La menace provenant du niveau de vie supérieur dans le Sud et l'“infection” causée par certains droits démocratiques durement acquis (comme le droit d'utiliser internet) – posent un risque pour le régime du Nord. C'est pourquoi Kim Jong-un aujourd'hui fait tellement de bruit au sujet de la menace extérieure et de la nécessité d'utiliser des armes nucléaires en guise d'auto-défense.

Le régime nord-coréen semble ne pas devoir se soucier d'aucune loi. Avec ses 600 000 soldats postés juste derrière la frontière, il est en position d'anéantir en un clin d'œil la capitale du Sud, Séoul, qui se trouve à moins de 60 kilomètres. Il a récemment effectué un certain nombre d'attaques sur des navires sud-coréens, et pourrait cette semaine envoyer un missile qui irait jusqu'à atteindre la base militaire américaine sur l'ile de Guam.
Manifestation en Corée du Sud contre Kim Jong-un

Le soutien chinois pour Pyongyang s'amenuise

Tout affairé dans sa lutte pour l'hégémonie dans la sous-région et en interne, le parti “communiste” chinois n'est pas contre l'idée d'organiser ses propres interventions militaires dans la région – il y a eu récemment des accrochages avec le Vietnam, le Japon et les États-Unis. Mais sur sa route vers la restauration capitaliste, la Chine n'accourra plus automatiquement à l'aide de son voisin comme par le passé.

Le régime nord-coréen n'a de toute façon lui non plus rien de communiste, même pas en nom. Son idéologie dominante, le “Juche”, est une invention de son premier “grand dirigeant”, Kim Il-song, qui était au départ un dirigeant communiste dans la guerre de résistance contre l'occupation de la Corée par le fascisme japonais, pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce petit État de 25 millions d'habitants est né à la suite de la guerre dévastatrice de 1950-53 entre les forces de l'impérialisme et la Chine de Mao Zedung. Cette guerre s'est achevée sur un “match nul” qui a mené à la division de la Corée entre un Nord stalinien et un Sud capitaliste sous régime militaire pro-américain.

Aujourd'hui, le flux constant de touristes qui voyagent jusqu'à la zone démilitarisée qui divise le pays afin de jeter un œil par-dessus la frontière apprennent de la part des guides officiels que cela fait 60 ans que les “loups communistes” du Nord menacent le Sud démocratique. Mais cela n'est pas correct. Tout d'abord, bien que les secteurs-clés de l'économie dans le Nord appartiennent au gouvernement, il n'y existe aucun élément de démocratie ouvrière pour la masse affamée et miséreuse de la population, alors que la petite clique dirigeante au somment du gouvernement et de l'armée vit dans un luxe scandaleux. Pour les capitalistes, la Corée du Nord sert d'épouvantail visant à discréditer les idées du communisme et du socialisme, alors que ce régime n'est en réalité qu'une déformation grossière de nos idées et n'a pas la moindre ressemblance d'un État ouvrier socialiste démocratique.

Deuxièmement, on voit mal de quel “Sud démocratique” on parle, vu que l'impérialisme américain y a consacré des ressources gigantesques afin de soutenir les cruelles dictatures militaires qui s'y sont succédé pendant plus de 30 ans, y compris celle de Park Chung-hee, le père de la nouvelle présidente récemment élue. Les États-Unis y maintiennent un large arsenal et des dizaines de milliers de soldats. Depuis que Pyongyang a menacé d'oblitérer Hollywood (alors qu'il est peu probable qu'il en ait la capacité), les États-Unis ont à leur tour menacé d'accroitre leurs “actifs” sur la péninsule – ce qui n'est pas du tout du gout de la Chine, qui s'acharne maintenant à réconcilier les deux camps. (En 1994, l'administration de Bill Clinton avait sérieusement considéré de lancer une invasion du Nord, mais a annulé son plan vu le cout estimé de 100 milliards de dollars et un million de morts).
Le président américain Kennedy et le dictateur sud-coréen Park Chung-hee

Le capitalisme des chaebols

L'économie de Corée du Sud est dominée par une petite poignée de grands cartels appartenant à de riches familles, nommés les “chaebols”. Les militants syndicaux y sont constamment réprimés et emprisonnés pour le simple fait d'exprimer leur droit démocratique à s'organiser et à entrer en grève – voir notre article du 26 février 2013 sur la situation en Corée du Sud (en anglais). La lutte pour la construction d'une voix politique indépendante pour la classe laborieuse sud-coréenne devient de plus en plus pressante. À cause du régime monstrueux du Nord qui est faussement présenté comme étant communiste, beaucoup de personnes ont été détournées de nos idées, et il est très difficile de construire une force véritablement socialiste dans le pays capable de lutter contre le règne des multinationales et des banques.

L'économie sud-coréenne est dominée par quelques grands groupes capitalistes

Aujourd'hui, à cause de l'immense gouffre entre le niveau de vie au Nord et celui dans le Sud, la plupart des gens du Sud considèrent que la réunification de la Corée leur coutera personnellement énormément d'argent. Toute lutte visant à réunifier la péninsule dans l'intérêt de la population laborieuse doit lier la lutte contre la dictature et la folie nucléaire du Nord avec la lutte contre les chaebols du Sud. La lutte pour la planification socialiste démocratique de l'industrie, des banques et des grandes fermes sous propriété collective permettrait de jeter les bases pour la réunification longtemps attendue du peuple coréen.

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